Le Tréport : les enseignements du débat public sur les éoliennes en mer

15/10/2015

Le débat public sur le projet d’éoliennes en mer a été plombé par le choix de la zone, déjà refusée par les pêcheurs en 2010. Pourtant, il n’a pas servi à rien.

Rappel des faits

 Engie (ex-GDF Suez) a remporté, en juin 2014, un appel d’offres lancé par l’État, pour la construction d’un parc d’éoliennes en mer au large des côtes picarde.

 Engie veut implanter 62 éoliennes, à une quinzaine de km du Tréport et de Dieppe. Chacune aura une puissance installée de 8 mégawatts.

 Un débat public s’est déroulé du 24 avril au 31 juillet 2015. L’enquête publique aura lieu en 2017 ou 2018. Les mots de Christian Leyrit ont été sévères, jeudi 1er octobre 2015, lorsqu’il a fait le bilan du débat public sur le projet d’éoliennes en mer au large du Tréport et de Dieppe (Courrier picard du 2 octobre 2015) : « Les citoyens ont un problème de confiance face aux grands projets, et il ne faut pas lancer un débat public si on laisse penser que la décision est déjà prise ». Pourtant, le président de la Commission nationale du débat public, qui savait dès le départ que ce débat aurait dû avoir lieu plus tôt, a décidé qu’il se tiendrait. «Les pêcheurs tout comme Engie ont voulu ce débat parce que le projet n’était pas le même que celui de 2010, même si la zone est quasiment identique. Je pense que si on ne l’avait pas fait, il y aurait eu des réactions encore plus vives », a-t-il justifié.

1 LE DÉBAT ÉTAIT-IL UTILE ? Sur la forme, d’abord, ce débat devrait permettre de ne pas retomber dans l’erreur chronologique qu’il a subie. Il faudra désormais lancer les débats sur les projets éoliens en mer avant les appels d’offres, préconise la Commission nationale. Là, tout était déjà fixé ou presque, a écrit Christian Leyrit dans ses conclusions : « le site précis, le nombre et les caractéristiques des éoliennes, ainsi que leur disposition à l’intérieur du parc ». « Les débats publics devront désormais être lancés par façade (NDLR, maritime) sur l’ensemble des zones propices, afin de recueillir l’avis de tous les acteurs… avant de lancer les appels d’offres sur les zones qui font l’objet d’une adhésion suffisamment large. La mise au point des projets lauréats pourrait alors relever d’une procédure plus légère de concertation locale. Ce devrait être le cas avant le troisième appel d’offres ».

Le fait de refaire un nouveau débat public, cinq ans après, pour un projet proche du premier, a pu faire penser que celui-ci était inutile. Pour autant, tout n’était pas joué, ont toujours dit les membres de la commission particulière. Étienne Ballan, son président, l’a répété jeudi : « Le processus décisionnel est complexe, le projet doit passer par de nombreuses étapes avant d’être validé ».

2 LES PÊCHEURS ONT ÉTÉ ENTENDUS « L’avis des pêcheurs a été pris en compte », a concédé Laurent Jacques, premier adjoint au maire du Tréport, dont la municipalité, tout comme celle de Mers-les-Bains, est opposée au projet. « Bien plus que lors du premier débat public », sur le premier projet de 2010, auquel l’État n’avait pas donné suite, a-t-il précisé. Les pêcheurs ont été entendus mais seront-ils écoutés ? « Déjà, en 2010, les pêcheurs avaient dit leur opposition et l’État a relancé un appel d’offres sur la même zone. Alors, à quoi bon tout ce cinéma si le projet voit le jour ? », a fustigé Catherine Boutin, porte-parole du collectif Pulse (Pour un littoral sans éoliennes).

3 LA ZONE, ENCORE ET TOUJOURS Les pêcheurs ont tellement été bien entendus que la zone qu’ils ont proposée, en lieu et place de celle choisie par l’État, a d’ores et déjà été retenue comme zone propice pour le futur troisième appel d’offres. Le problème, c’est que cette zone, à l’ouest du chenal de Dieppe, moins poissonneuse et plus venteuse selon eux, ne pourra pas être adoptée pour ce projet au large du Tréport… vu qu’elle ne figure pas dans l’appel d’offres. Et c’est bien ce choix de la zone qui a plombé ce débat public de 2015. « Le choix de lancer un nouvel appel d’offres sur une zone maritime au large du Tréport, qui avait fait l’objet en 2010 d’une forte opposition des pêcheurs, suscite l’incompréhension d’une partie du public et de l’ensemble des pêcheurs », a résumé Christian Leyrit.« Cela est d’autant plus incompréhensible que des concertations approfondies avant les pêcheurs ont trouvé des solutions acceptables par tous, notamment à Fécamp ou en Vendée », poursuit Christian Leyrit.

4 LA SUITE DÉPEND D’ENGIE MAIS AUSSI DE L’ÉTAT Engie devra dire s’il poursuit ou pas le projet, au plus tard le 31 décembre 2015. Selon la commission particulière, l’État devra répondre aussi aux questions suivantes, soulevées par les participants au débat : « L’éolien en mer est-il une source d’énergie pertinente au regard de son coût actuel et de son impact sur le milieu ? Quels sont les bénéfices attendus pour le territoire, au regard des perspectives réelles du développement industriel de la filière en France ? Comment l’éolien en mer est-il compatible avec la pêche professionnelle et le tourisme ? » « Le maître d’ouvrage (NDLR, Engie) ne peut répondre seul à ces questions », précise la commission dans son compte rendu. « Les participants attendent donc que l’État, en préalable à la décision du maître d’ouvrage, affirme son positionnement ». Le débat n’a certes pas permis de répondre à tout, mais il a permis de poser de bonnes questions.

Plus de trois mois de débats

Plus de 900 personnes ont participé aux neuf réunions publiques organisées par la commission particulière du débat public, plus 1 000 en ligne, ces réunions étant retransmises en direc sur le site internet du débat public, qui a reçu 11 000 visiteurs. Plus de 910 personnes se sont abonnées à la page Facebook dédiée, et 430 sur Twitter. L’émission « La voix est libre » du 6 juin 2015 a été regardée par 30 000 personnes, sur France 3 Picardie, Haute et Basse Normandie. La commission particulière a organisé 15 débats mobiles, c’est-à-dire qu’elle s’est déplacée lors d’événements locaux pour toucher un public différent de celui, concerné, qui se rendait aux réunions publiques. Elle y a rencontré près de 1 600 personnes. Une exposition itinérante a également été produite. Pour retrouver les arguments et questions posées du 24 avril au 31 juillet, il n’est pas trop tard. Le compte rendu et le bilan du débat sont disponibles au téléchargement sur le site du débat public : eolienmer-pdlt.debatpublic.fr

Source : Courrier Picard.