«Nous voulons des coquelicots» Le 1 février 2019

IMPACT DES PESTICIDES SUR LA SANTE

Comme tous les premiers vendredi du mois, rassemblement à 18h30 sous la Halle de Matignon. Lors de ce rassemblement du premier février,  le texte ci-dessous a été présenté par son auteure, Mme Jocelyne POIGNANT phytothérapeute.

Les pesticides présentent des risques pour notre santé et notre planète mais de quels risques parle-t-on précisément ?

Les pesticides (insecticides, raticides, fongicides et herbicides) sont des composés chimiques dotés de propriétés toxicologiques utilisés pour lutter contre des animaux (insectes, rongeurs, limaces ou des plantes (champignons ou mauvaises herbes). Le premier usage intensif d’un pesticide remonte à la seconde guerre mondiale avec le DDT.

Un pesticide est donc toujours un toxique pour la cible pour lequel il est employé. Et en même temps nous savons qu’il n’existe pas de pesticide totalement spécifique d’un nuisible, tous les organismes vivants partageant, quel que soit leur rang, des mécanismes physiologiques partiellement communs.

L’ONU parle de 200 000 décès liés aux pesticides dans le monde chaque année.

Site du CNRS en ligne : sagascience@cnrs-dir.fr :

La toxicité sur l’homme est reconnue globalement pour le groupe pesticide. L’étude spécifique est rendue difficile par le nombre de produits disponibles (environ 100 familles chimiques de pesticides et près de 10 000 formulations commerciales).

En France en 2012 seules 309 substances phytopharmaceutiques actives sont autorisées.

Les principales familles sont :

  • Les organochlorés (comme le DDT insecticide) peu dégradables ils sont toxiques par bioaccumulation. Interdit dans de nombreux pays dont la France depuis 1970.
  • Les organophosphorés : ils se dégradent rapidement. Effets neurotoxiques sur les vertébrés.
  • Les pyréthroïdes : insecticides très toxiques pour les organismes aquatiques.
  • Les carbamates : insecticides, fongicides. Très toxiques.
  • Les phytosanitaires (très nombreux produits de la famille des triazines : fongicides) ils représentent la moitié du tonnage annuel utilisé en France. Ces produits réagissent avec le sol lors de leur migration, l’évaluation de leur devenir est très difficile.

Il sort des dizaines de nouveaux produits chaque année.

Certaines substances sont interdites pour les cultures mais autorisées pour l’usage personnel comme la perméthrine interdite depuis 2000 en Europe mais autorisée dans les lotions anti-poux.

Il est intéressant de noter que selon l’InVS le sang d’un Français moyen contient presque toujours des pesticides organophosphorés et trois fois plus de pyréthrinoïdes et paradichlorobenzène que celui des Américains ou des Allemands alors que leur taux sanguin de métaux lourds et de pesticides organochlorés est comparable aux concentrations observées à l’étranger.

Plusieurs études ont montré que l’usage des équipements de protection individuelle (EPI) ne garantit pas une protection absolue de l’opérateur et qu’il existe des différences majeures d’exposition entre individus indépendamment de l’usage d’EPI.

Il est également reconnu que cette toxicité peut être aigue ou chronique c’est-à-dire que même de faibles doses si elles sont répétées auront un impact sur notre santé.

Intoxications aigües

Souvent après un contact direct avec le produit lors de son épandage ou lors d’une ré-entrée trop rapide. Elles concernent surtout les agriculteurs et les populations vivant proche des parcelles traitées.

  • Irritations cutanées (rougeurs, démangeaisons avec ulcération ou fissures, urticaire)
  • Troubles digestifs (hypersécrétion salivaire, vomissement, crampes abdominales, diarrhée) – Maux de tête, vertiges, parfois tremblement
  • Grande fatigue
  • Toux, essoufflement
  • Tachycardie
  • Hémorragies
  • Jusqu’à des convulsions et des pertes de conscience

Intoxications chroniques

Elles peuvent provoquer dans un premier temps différentes perturbations qui seront difficiles à mettre en lien avec les produits utilisés :

  • Irritations cutanées, eczéma, urticaire.
  • Fatigabilité musculaire, baisse de sensibilité tactile
  • Manque d’appétit, perte de poids
  • Maux de tête fréquents
  • Anxiété, irritabilité, insomnie, dépression
  • Perte de concentration et de mémorisation, difficultés d’élocution
  • Diminution du nombre de globules rouges ou blancs
  • Palpitation, perturbation du rythme cardiaque
  • Irritations de la gorge ou des poumons entraînant des surinfections (bronchites, rhinites, pharyngites)

Rapport de l’INSERM sur les risques des pesticides sur la santé (2013) cette analyse est basée sur la littérature scientifique internationale publiée au cours des 30 dernières années (mais l’absence de preuves n’est pas la preuve de l’absence, d’ailleurs de nombreuses molécules ont été utilisées pendant des années car on disait qu’il n’y avait aucun risque et elles sont actuellement retirées….comme par exemple l’atrazine utilisée pendant 40 ans environ…) :

Ces pesticides sont parfois répertoriés en 3 grandes catégories que l’on appelle C, M, R pour cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques. Il existe en effet un lien avéré entre pesticides et cancer, dommage de l’ADN de nos cellules et toxicité par rapport à nos organes reproducteurs mais cela ne s’arrête pas là.

Les pesticides attaquent les mitochondries (centrale énergétiques de la cellule), modifient l’apoptose (mort cellulaire) à cause de dommages sur l’ADN des cellules ou à cause des perturbations des voies de signalisation, ils passent la barrière hémato-méningée, induisent un stress oxydant (rôle majeur dans la maladie de Parkinson), inhibent certaines enzymes (comme l’acétylcholine estérase), altèrent notre système immunitaire.

Cancer et pesticides :

L’expertise de l’INSERM cible 8 localisations de cancer : 4 localisations sanguines, prostate et testicule, cerveau et peau.

Le CIRC (centre international de recherche sur le cancer) et l’EPA (agence Américaine de protection de l’environnement) ont identifiés certains pesticides autorisés comme étant cancérigènes.

Le lien est avéré pour le cancer de la prostate, les lymphomes non hodgkiniens et les myélomes multiples, il est fortement suspecté pour le cancer du testicule, du foie,  maladie de hodgkin, mélanome cutané et tumeurs du cerveau (gliomes et méningiomes) pour lesquels il existe un manque de données.

Maladies neurodégénératives et pesticides :

L’expertise de l’INSERM s’est intéressée à la maladie de Parkinson  pour laquelle le lien est évident, et à la maladie d’Alzheimer, la sclérose latérale amyotrophique pour lesquels le lien est fortement suspecté et les troubles cognitifs pour lesquels le lien est suspecté également. Là encore il existe trop peu d’études disponibles. On observe

  • Dégradation de la concentration et de la mémoire (en lien avec la perturbation de neurotransmetteurs => blocage de l’acétylcholine estérase par exemple qui amène une augmentation d’acétylcholine dans la fente synaptique).
  • Troubles de l’attention.
  • Syndrome dépressif, trouble du sommeil, anxiété, irritabilité, troubles du comportement alimentaire (en lien avec la perturbation de neurotransmetteurs, sérotonine en particulier) Effets sur la grossesse et le développement de l’enfant des pesticides :

Il existe de nombreuses études évoquant ces risques et les femmes enceintes doivent se tenir à distance de tout pesticide…:

  • Diminution du poids de naissance et croissance ralentie, prématurité.
  • Malformations congénitales (micropénis et hypospadias c’est-à-dire une ouverture de l’urètre qui ne se fait pas au bout du pénis => en très forte hausse ces dernières décennies, malformations cardiaques, ou du tube neural)
  • Morts fœtales (fausses couches)
  • Neurodéveloppement : atteinte de la motricité fine, de l’acuité visuelle, de la mémoire récente.
  • Leucémie et tumeur cérébrale de l’enfant.

Allergies, diabète (probable)

Reprotoxiques :

Le lien est avéré concernant la baisse des fonctions reproductives même si le lien entre les molécules impliquées n’est pas défini….

Ces baisses de fertilité sont en partie dues à une diminution du nombre et de la qualité des spermatozoïdes, d’autre part certains pesticides sont des perturbateurs endocriniens. Ils sont capables d’activer les récepteurs aux œstrogènes, à la progestérone ou aux androgènes ou de perturber certaines enzymes comme l’aromatase. (D’ailleurs certaines études montrent également le lien avec la thyroïde ou l’hypophyse, d’autres glandes perturbées par certaines molécules).

Les insecticides organochlorés agissent sur la transmission du signal nerveux et leurs propriétés hormonales n’ont été découvertes que de nombreuses années après le début de leur utilisation.

Pas de descente des testicules chez le jeune garçon et micro-pénis, perturbation de notre équilibre hormonal.

Cas du glyphosate 

Il fait partie des pesticides organophosphorés (comme le malathion, le diazinon…) il entraine de nombreux problèmes neurologiques.

Une des agences de l’OMS le classe comme cancérogène probable, mortel à faible dose si chronique (LLC, LNH).

Reconnaissance de la dangerosité 

Selon la ligue contre le cancer : « il semble exister une association positive entre exposition professionnelle à des pesticides et certaines pathologies chez l’adulte. La maladie de Parkinson, le cancer de la prostate et certains cancers hématopoïétiques (LNH, myélome multiple). Par ailleurs l’exposition aux pesticides intervenant au cours de la période prénatale et périnatale ainsi que de la petite enfance semble particulièrement à risque pour le développement de l’enfant. »

La sécurité sociale reconnait certaines maladies comme maladies professionnelle pour les exploitants agricoles (80 personnes déclarées en 2016).

Tableaux des maladies professionnelles

 

Régime agricole tableau 11

Organophosphorés anticholinestérasiques, phosphoramides anticholinestérasiques et carbamates anticholinestérasiques.

Régime agricole tableau 13

Affections provoquées par les dérivés nitrés du phénol, le pentachlorophénol, les pentachlorophénates et les dérivés halogénés de l’hydroxybenzonitrile

Régime agricole tableau 26

Maladies professionnelles engendrées par la chlorpromazine

Régime agricole tableau 48

Affections engendrées par les solvants organiques liquides à usage professionnel

Régime agricole tableau 58

Maladie de Parkinson provoquée par les pesticides

Régime agricole tableau 59

Hémopathies malignes provoquées par les pesticides Les sources d’exposition ?

Certaines cultures seront plus traitées que d’autres. Les céréales et le maïs sont des produits hautement traités (ainsi que la vigne, les pommes de terre, les pommes).

Les délais de ré-entrée varient de 6 à 48 h selon les produits. C’est un temps pendant lequel aucun organisme ne devrait aller au contact des champs traités.

Nous retrouvons des pesticides :

  • Dans l’air (intérieur, extérieur)
  • Les poussières. Il est à noter que les pesticides peuvent adhérer à des particules de poussières en suspension et parfois même à la fumée de cigarette, favorisant ainsi l’inhalation.
  • dans l’eau (souterraines, de surface ou littoral ou de consommation),
  • dans le sol
  • les denrées alimentaires.

Les différentes portes d’entrée des pesticides dans l’organisme sont la peau, les voies respiratoires (attention si vous faites du sport à côté de champs traités) et digestives (attention aux vêtements souillés qui peuvent entrer en contact avec la bouche, à l’onychophagie, au fait de manger ou fumer après épandage). . Pour les enfants en bas âge, les mains sont au contact de la poussière chargée de pesticides.

Pourquoi certaines personnes seront plus sensibles ?

Les intoxications dépendent du temps d’exposition et de la dose absorbée.

Egalement de notre poids corporel (fragilité des enfants).

Mais pas que…

Nos fonctions de détoxifications naturelles (elles existent heureusement) peuvent varier énormément d’une personne à l’autre et parfois elles sont :

  • Non adaptées soit parce que génétiquement nous sommes « mal équipés » pour éliminer telle ou telle substance, soit parce qu’il existe des carences alimentaires qui ne permettent pas à l’organisme de faire fonctionner les organes correctement (manque de carburant = enzymes)
  • Débordées, saturées ; avec l’âge il s’installe peu à peu des insuffisances d’organe, insuffisance hépatique, rénale par exemple qui font que les substances actives vont circuler plus longtemps et ne seront jamais éliminées correctement. Ou bien, l’organisme est déjà saturé avec d’autres toxiques (médicaments, cigarette, alcool, solvants, peintures, poussières, pollution de l’air…).

Les portes d’entrée sont parfois fragiles :

Au niveau de la peau, certains transpirent plus, s’il fait chaud, les vaisseaux sanguins seront plus dilatés, il peut exister sur la peau des petites lésions favorisant l’entrée des molécules.

Au niveau digestif, il existe des sensibilités propres à chacun qui vont permettre ou non le passage des toxiques dans l’organisme, dérèglement de la flore intestinale, irritation des intestins, surcharges hépatiques…

Au niveau respiratoire, inhalation de particules ou de poussières polluées. L’arbre respiratoire peut être également fragilisé par exemple s’il existe des allergies, de l’asthme, des infections chroniques… Et le système immunitaire (notre gardien, sentinelle) peut être déficient…

Définition de l’effet cocktail :

Il existe au niveau des différents gouvernements un consensus pour dire que nous sommes tous contaminés aux pesticides dans notre corps (on retrouve plusieurs centaines de pesticides différents), en France 91 % des cours d’eau contiennent des résidus de pesticides. Il parait que rares sont les points de contrôle pour lesquels les seuils sont dépassés…. Pour autant la France à été épinglée par Bruxelles pour des seuils non conformes dans 33 % des eaux en Bretagne…(étude 2003 Eurostat).

Il est extrêmement difficile de définir un seuil au-delà duquel un agent chimique devient toxique. Il y a certes un lien avec l’âge (maturité des organes de détoxification) et avec le poids (femme, homme, enfant) mais il y a aussi un effet cocktail et comme nous ne vivons pas sous cloche, un produit n’est jamais pris isolément. Nous sommes sous l’influence de nombreuses molécules, qui additionnées seront plus difficiles à éliminer ou bien verrons leur dangerosité augmenter.

Également, nous ajoutons consciemment ou non d’autres substances : Air pollué, Cigarette, Alcool, Malbouffe, Médicaments…/…

La plupart des études in vitro sur les mélanges montrent un effet supérieur du mélange à celui des substances actives prises isolément.

D’autre part une molécule dans l’organisme est décomposée en métabolites et ces métabolites sont parfois plus dangereux que la substance initiale. Cependant très peu d’études sont faites sur ces métabolites… qui s’ajoutent au cocktail…

L’INSERM conclue son rapport par le fait que la question des mélanges et des faibles doses est extrêmement important et nécessite des recherches pour évaluer les dangers.

Au niveau des sols, les pesticides perdurent des années après l’arrêt de leur utilisation, exemple le chlordécone aux Antilles interdit depuis 1993 et que l’on retrouve encore dans le sol et les populations. Il est donc urgent de changer le plus tôt possible.

Syngenta qui commercialise l’atrazine (interdit en France) vend énormément en Ukraine.

L’atrazine est interdit depuis 2003 en France et c’est encore un des polluants majeurs retrouvés dans l’eau et dans nos corps. L’atrazine a longtemps été utilisée pour le désherbage du maïs.

Au niveau du corps, il y a persistance également de nombreuses années. Lorsque l’organisme n’arrive pas à éliminer une substance, il la stocke souvent dans la matière grasse car les pesticides ont une affinité pour les corps gras (mais aussi dans le foie, les muscles, le cerveau…).

Il y a différentes situations où le corps se détoxifie sans le vouloir précisément :

  • Lorsque l’on fait un régime : perte de masse grasse et souvent foie en déroute…
  • Lorsque l’on allaite. On sait que les laitages sont très chargés en pesticides car ils comportent des corps gras, mais les ruminants sont traits régulièrement. Le lait maternel comporte un cocktail important de pesticides que l’enfant va recevoir dès son plus jeune âge, or on sait qu’il y a un risque majeur pour les enfants en période prénatale, périnatale et petite enfance.

Il parait donc urgent de modifier notre vision des pesticides et de notre santé :

Consommer des produits bio, éviter les autres toxiques autant que possible (cigarette, alcool, malbouffe), pratiquer une activité physique dans un environnement sain.

Produire bio, aider à la conversion.

L’alimentation bio permet d’agir à 2 niveaux :

  • Pas de pesticides pour notre organisme et pour nos sols, faune et flore.
  • Des végétaux beaucoup plus riches en micronutriments particulièrement les antioxydants nécessaires à la détoxification de l’organisme entre autres.

Pour info, l’ONU considère le bio comme une alternative possible à condition d’ici 30 ans de diminuer la consommation de viande et de diminuer les déchets (moins de pertes sur toute la chaîne de production). Il est urgent de réapprendre à cuisiner.

Le Grenelle Environnement (2007) visait une réduction de 50 % des quantités de matière active utilisées, si possible avant 2018. Une réduction de 30 % des pesticides serait possible en France, avec des changements de pratiques importants, mais sans bouleverser les systèmes de production, selon une étude d’Écophyto 2018, commandée par les ministres chargés de l’agriculture et de l’environnement à une équipe coordonnée par l’INRA, à la suite du Grenelle de l’environnement.  D’autres études (projet Endure) estiment qu’avec des technologies novatrices on pourrait réduire, pour le maïs, de 100 % les produits de traitement des semences, jusqu’à 85 % les épandages d’insecticides et de 90 % ceux d’herbicides.

 

Site : je consomme donc ils produisent

Site : wwww.desterresetdesailes.fr 

Site MSA => lien insr.fr = liste des maladies professionnelles. 

Publication de l’INRA oct 2018 publiée au JAMA

Site canadien sur les molécules en lien avec les risques santé et environnement : www.sagepesticides.qc.ca  http://presse.inra.fr/Communiques-de-presse/Moins-de-cancers-chez-les-consommateurs-d-aliments-bio