La nature souffre, nous devons témoigner !

Bonjour à tous, est-ce la fatigue due à un âge certain, ou bien un éclair de lucidité ? Considérant la nature autour de moi, je ressens le besoin de ce cri du cœur :

Nous devons témoigner !

Qui, après nous, pourra dire que « de son temps » il n’était pas possible de parcourir dix kilomètres en voiture sans avoir le pare-brise constellé d’insectes ?

Qui, après nous, pourra témoigner de la disparition d’oiseaux autrefois courants dans nos campagnes ?

Qui, après nous, pourra raconter la pêche aux écrevisses ou aux goujons dans les rivières ?

Même les vers de terre se raréfient !

Nous devons témoigner ou bientôt il sera trop tard et nos enfants se retrouveront dans le cauchemar imaginé par Harry Harrison dans son roman « Soleil vert » en 1966 (et repris au cinéma par Richard Fleisher avec Charlton Heston en 1973) où l’on voit, en 2022, deux hommes âgés se remémorer ce qu’était la vie sur terre « autrefois »…

Nous devons témoigner et c’est pourquoi un « billet d’humeur » de Michel Riou paru dans le magasine d’Eaux et Rivières de Bretagne il y a deux ans me parait toujours d’actualité, à la fois terrifiant et nécessaire.

Je vous le fais partager :

Nature bashing
Cela fait vingt ans que cette page nature existe. Celle-ci sera la dernière. Et pour clore cette histoire, je me suis dit que je ne pouvais pas passer à côté de cet anglicisme à la mode, utilisé aujourd’hui à toutes les sauces : le bashing [1]. Et à ce mot vient s’ajouter depuis quelques temps le préfixe « agri ». L’idée de génie ne vient pas du monde paysan, qui a bien d’autres chats à fouetter, mais de quelques chargés de communication sans scrupules, habitués à se positionner en victimes. Et qui seraient les coupables ? Les défenseurs de l’environnement pardi ! Ces intégristes rétrogrades prêts à tout pour dénigrer l’agriculture.
Depuis maintenant 50 ans, Eau et Rivières de Bretagne se bat pour que chacun puisse jouir d’une eau de qualité, de rivières et de paysages préservés. Elle se bat contre tout ce qui peut mettre en péril la vie aquatique et la ressource en eau d’une manière générale. Elle se soucie de la bonne santé des milieux naturels et de celle de chacun de nos concitoyens. Bref, elle œuvre pour l’intérêt général. Mais durant toutes ces années, ce ne fut pas un long fleuve tranquille. Le bashing, comme toutes les associations de protection de l’environnement, Eau et Rivières de Bretagne le subit sans broncher. Des décennies à encaisser des railleries, des menaces de mort, puis plus tard de la condescendance, et enfin des seaux de couleuvres à avaler, et on n’en finit toujours pas d’en gober ! Ah ces braves écolos qui brassent de l’air, toujours prêts à protéger une fleur ou un papillon plutôt que le magnifique projet économique qui va créer de l’emploi. Bon, il pollue un peu, mais faut savoir ce qu’on veut !
Depuis 50 ans donc, nous sommes contre le progrès, nous sommes des emmerdeurs, des manipulateurs, une sorte de secte dangereuse qui ne cherche que le chaos. Amen. Mais tout cela n’est pas très grave, et même plutôt amusant sachant d’où viennent les attaques. Non, le plus grave est le bashing que subit la nature elle-même depuis tout ce temps. Combien de fois avons nous entendu que les zones humides ne servaient à rien ? Qu’un ruisseau n’avait pour fonction que d’évacuer l’eau ? Que les insectes, reptiles, oiseaux et autres pestiférés n’étaient que vermines ? Que le bocage n’était que frein au progrès ? Que les petites fleurs n’étaient bonnes qu’à émerveiller une poignée d’illuminés ? Et maintenant que la société prend chaque jour un peu plus conscience du désastre, on nous explique qu’il faut du temps pour changer. Du temps ? Après plus de 50 ans d’avertissements ? La belle blague. Plus personne ne peut entendre cela. Et la nature, les sols, l’eau de nos rivières encore moins.
De nombreux agriculteurs sont aujourd’hui en pleine détresse, c’est malheureusement un fait. Et plutôt deux fois qu’une, nous avons besoin d’eux. Nous voulons tous des produits de qualité qui poussent à deux pas de chez nous, une campagne où paît paisiblement le bétail et où la prairie chante au printemps, des fermes qui retrouvent le sourire et l’échange avec le voisinage. Pas une seule personne sur cette terre ne pense le contraire. Où peut-être encore quelques irréductibles obstinés qui, après avoir foncé dans le mur plusieurs fois, s’évertuent à le grimper ou le contourner. Une poignée de forcenés, œillères bien calées et bouchons bien enfoncés dans les oreilles, qui veut faire croire que le monde agricole est vent debout dans son sillage. L’image négative que subit cette noble profession n’est pas le fait de babas cool irresponsables, mais bien de ce système qui broie les paysans dans un étau. Ce même étau qui écrase un peu plus chaque jour notre biodiversité et qui provoque ce terrifiant silence dans nos campagnes. Et ça, ce n’est pas moi qui le dit, mais Rachel Carson. C’était en 1962. Il faut du temps qu’ils disaient…
Michel Riou, Eau et rivières de Bretagne, Janvier 2020, n°190
[1 ] : dénigrement systématique.

Les années passent, soixante ans déjà que l’alerte est donnée, les signaux que la nature nous envoie deviennent de plus en plus inquiétants. « Le pire n’est jamais sûr » dit-on… pourtant quelque chose me dit que la situation s’aggrave et que comme « il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre » il y a de quoi s’inquiéter.

Je m’inquiète donc. Et vous ?

Jean-Marie Beaudlet