Proposition de Loi protégeant la population des pesticides par l’instauration d’une zone tampon.

Voilà une proposition de loi qui, malgré l’importance vitale qu’elle présentait, n’a pas été votée pour des raisons strictement politiques. En cette occasion la santé de nos concitoyens est donc passée au second plan.

Par ailleurs on peut s’interroger sur le fait que, lors de ce scrutin n°1146 du 14 septembre 2018, seuls 56 députés étaient présents sur les 576 inscrits. Notre député, Monsieur Hervé Berville était absent.

Nous donnons ci-après un extrait des argument présentés pour défendre ce projet de loi, chacun se fera son opinion :

EXPOSÉ DES MOTIFS

En 2015, 68 000 tonnes de pesticides dédiés à la production agricole végétale, également appelés produits phytosanitaires, ont été vendues en France. Ce chiffre indique une nette augmentation (+ 6,8%) entre 2009 et 2015 alors que la surface agricole utile a légèrement diminué (- 0,7%). Cette augmentation de l’usage des pesticides par l’agriculture s’est produite en dépit de la mise en place du plan Ecophyto 2018 qui prévoyait une réduction de la moitié du recours aux pesticides entre 2009 et 2018. Pourtant, la baisse de l’usage des pesticides est de la plus grande importance au vu des enjeux de santé publique soulevés par l’impact d’une exposition aux pesticides sur la santé des personnes.

Les pesticides correspondent à une large variété de produits : en 2016, 2 128 produits différents étaient autorisés en France. Parmi eux, certains contiennent des molécules qui sont des Cancérogènes, Mutagènes et Reprotoxiques (CMR), ou des neurotoxiques ou des Perturbateurs Endocriniens (PE).

L’étude de l’Inserm de 2013 est sans appel et permet d’émettre des liens de présomptions fortes et moyennes entre une exposition à des pesticides et un certain nombre des maladies graves ou mortelles. Ces maladies sont les lymphomes non-hodgkiniens, les leucémies, les myélomes multiples, les cancers de la prostate, la maladie de Parkinson, la maladie d’Alzheimer, des troubles cognitifs, et de la fertilité. À cela, chez l’enfant, s’ajoute en cas d’une exposition in utero des troubles de neurodéveloppement tels que la déficience intellectuelle ou les troubles du spectre autistique, des malformations congénitales, des leucémies, de tumeurs cérébrales et la mort fœtale. Des liens entre cancers pédiatriques et exposition aux pesticides pendant l’enfance ont également été faits dans cette étude.

En France, 1 750 cas de cancers pédiatriques et 800 cancers d’adolescents sont recensés par an. Plus de la moitié des cancers pédiatriques correspondent à des leucémies, à des cancers du système nerveux central ou à des lymphomes (64 %). Chez les adolescents, près de la moitié des cancers correspondent à des lymphomes non-hodgkiniens, les leucémies et des cancers du système nerveux central (49 %). Par an, ce sont 500 enfants et adolescents qui décèdent à cause d’un cancer. Une analyse de l’InVS de 2013 a pointé une surreprésentation des cancers pédiatriques dans la ville de Preignac, ville située au cœur d’un vignoble.

Dans le cas des PE, en plus de leurs caractéristiques cancérogènes, ils altèrent le fonctionnement habituel de l’organisme en interagissant avec la synthèse, la dégradation, le transport et le mode d’action des hormones. Le rapport de l’IGAS sur la Stratégie nationale sur les Perturbateurs endocriniens daté de décembre 2017 est alarmant sur les effets néfastes pour la santé de ces molécules de PE : « Un certain nombre d’affections de la santé humaine sont aujourd’hui suspectées d’être la conséquence d’une exposition aux PE : baisse de la qualité sur sperme, augmentation de la fréquence d’anomalie du développement des organes ou de la fonction de reproduction, abaissement de l’âge de la puberté… Le rôle des PE est aussi suspecté dans la survenue de certains cancers hormono-dépendants, ainsi que des cas de diabètes de type 2, d’obésité ou d’autisme. L’âge d’exposition est déterminant, car les impacts sont surtout consécutifs à l’exposition pendant la période de gestation. Le développement fœto-embryonnaire, la petite enfance et la puberté sont des périodes de sensibilité accrue à ces substances. » De plus, certains effets des PE sont transgénérationnels : une exposition au cours de la grossesse peut impacter plusieurs générations suivantes. La nocivité pour la santé des PE n’est pas liée à un effet de dose et il ne semble donc pas pertinent d’instruire des seuils d’exposition en dessous desquels ces molécules ne seraient pas nocives.

Le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) a rappelé en septembre 2017 dans son rapport et avis sur la Stratégie nationale de santé, que le coût en Europe des conséquences de santé de l’ensemble des pesticides via leurs mécanismes de perturbation endocrinienne était estimé à 120 milliards d’euros par an. À cette somme s’ajoutent les coûts engendrés par les externalités négatives que sont la pollution de l’eau par ces mêmes pesticides, et la baisse des populations des insectes pollinisateurs. Il recommande donc qu’ « il est nécessaire de faire appliquer strictement par les autorités compétentes l’interdiction des épandages aériens ainsi que les restrictions sur les traitements par aérosol, lorsque ceux-ci sont appliqués proches de zones résidentielles ou d’écoles. 

Par ailleurs, le rapport de l’IGAS relatif à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques daté de décembre 2017 indique que « Les mesures doivent concerner tant la réduction de l’impact, sur les populations et l’environnement, que la réduction de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques, qui sont deux dimensions complémentaires de l’action publique dans ce domaine. »
Sur le plan législatif, la protection des personnes vulnérables vis-à-vis de pesticides relève de l’article L. 253-7-1 du code rural et de la pêche maritime. Celui-ci interdit l’usage de certains pesticides dans les cours de récréation et espaces habituellement fréquentés par les élèves dans l’enceinte des établissements scolaires, par les enfants dans l’enceinte des crèches, des haltes garderies et des centres de loisirs ainsi que dans les aires de jeux destinées aux enfants dans les parcs, jardins et espaces verts ouverts au public. De plus, l’utilisation de ces pesticides à proximité de ces espaces ainsi qu’à proximité des centres hospitaliers et hôpitaux, des établissements de santé privés, des maisons de santé, des maisons de réadaptation fonctionnelle, des établissements qui accueillent ou hébergent des personnes âgées et des établissements qui accueillent des personnes adultes handicapées ou des personnes atteintes de pathologies graves ne peut être fait que sous certaines conditions. Leur usage est subordonné à la mise en place de mesures de protection adaptées telles que des haies, des équipements pour le traitement ou des dates et horaires de traitement permettant d’éviter la présence de personnes vulnérables lors du traitement. Lorsque de telles mesures ne peuvent pas être mises en place, la voie réglementaire préfectorale régit la limite en-deçà de laquelle il est interdit d’utiliser ces produits à proximité les lieux accueillant des personnes vulnérables ainsi que les contraintes horaires des traitements pour les lieux accueillant des enfants.

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Le cas de l’intoxication des enfants et de l’enseignante de l’école de Villeneuve-de-Blaye par des pesticides en mai 2014, a poussé de préfet de Gironde à prendre des dispositions réglementaires plus favorables à la protection des personnes vulnérables que celles précédemment prévues par l’arrêté ministériel du 27 juin 2011 (arrêté préfectoral du 24 juin 2014 puis du 22 avril 2016). Ce dernier arrêté instaure une zone tampon (entre 50 et 5 mètres en fonction du type de culture et du matériel de pulvérisation utilisé) à proximité des établissements accueillant des enfants ainsi que des restrictions horaires pour les pulvérisations sur les parcelles de vignes ou d’arbres fruitiers.

Pourtant, le rapport de l’IGAS relatif à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques de décembre 2017 note que « d’un arrêté préfectoral à l’autre, les garanties offertes par ces mesures de protection sont disparates, il semble qu’une dizaine de départements n’aient pas encore fait l’objet d’arrêtés préfectoraux ». Les zones tampons peuvent être remplacées par des dispositifs anti-dérives, des filets de protection ou des haies. Cela signifie qu’actuellement, des produits toxiques tels que des CMR ou des PE, ne répondant pas aux critères de l’arrêté ministériel du 10 mars 2016 peuvent être pulvérisés à 1 mètre de la barrière d’une école, alors que les élèves sont dans la cour de récréation, si celle-ci est équipée de mesure de protection tel qu’un filet ou une haie.
Dans le cas de la Gironde, bien que l’arrêté préfectoral soit l’un des plus protecteurs de France, il semble que ces dispositions n’aient pas été suffisamment efficaces pour préserver les populations d’une exposition aux pesticides. En effet, l’enquête HAPPI réalisée pour l’association Eva pour la vie et le Collectif Infos Médoc Pesticides a indiqué la présence de pesticides CMR ainsi que de PE dans l’intégralité des neuf échantillons de poussière prélevés dans des villages viticoles du Médoc (une école primaire et 8 chambres d’enfants). Ces lieux de prélèvements étaient situés entre 5 mètres et 500 mètres des parcelles de vignes et aucun des habitants n’était un travailleur de la vigne. L’école était séparée des vignes par des habitations. L’étude montre que ce sont les habitations les plus proches des parcelles de vignes qui présentent la plus forte concentration de pesticides par gramme de poussière et que l’échantillon provenant d’une habitation située à 50 mètres de vignes traitées en bio était moins contaminé qu’une autre habitation située à 50 mètres de vignes traitées avec des pesticides de synthèse. Toutefois, l’échantillon provenant de l’habitation à proximité des vignes bio n’est pas exempt de molécules de pesticides de synthèse en raison de la volatilité de ces molécules.

De plus, les prélèvements de terre dans des écoles du Médoc, réalisés par l’association Collectif infos Médoc pesticides en 2016 ont montré une présence de pesticides dont des CMR et des PE dans les cours de récréation, et cela en dépit soit de la présence d’habitations entre l’école et les vignes portant l’éloignement de l’école à 50 m des vignes, soit de la présence de filets antidérive, soit d’horaires de traitements décalés, démontrant l’inefficacité de ce genre de dispositif.
Le problème soulevé par cette étude est celui de l’exposition de la population générale de milieu rural ou périurbain aux pesticides de synthèse à l’intérieur de leur lieu de vie. Ces pesticides de synthèse ayant des effets délétères sur la santé, il devient fondamental, dans un souci de santé publique de faire baisser le risque d’exposition de la population des villages de France à ces molécules.
Les dispositions légales et réglementaires en vigueur sont lacunaires car elles n’incluent que les lieux d’accueil des enfants (crèches, écoles, haltes garderies…) et de personnes âgées ou malades, mais ne prennent pas en compte les habitations. Or les enfants ne passent qu’environ 10 % de l’année (en heure de présence) à l’école. Les temps de repos de la nuit, du week-end et des vacances sont principalement passés dans les lieux de vie. Il convient donc de protéger également les enfants des pesticides dans leur habitation y compris dans leur jardin. Cette préservation des lieux de vie des pesticides permettrait également de réduire les expositions pour les adultes, incluant les femmes enceintes. Dans la même idée, il convient également de préserver des pesticides les lieux recevant du public (ERP) quelle que soit leur catégorie pour les mêmes raisons de protections des personnes.
La protection des riverains vis-à-vis d’une exposition aux pesticides doit donc se faire avec la mise en place d’une zone tampon assez vaste. Le rapport de l’IGAS de décembre 2017 indique à ce sujet « la mise en place de zones non traitées (ZNT) à proximité des lieux d’habitations, des espaces publics et des lieux accueillant des groupes de personnes vulnérables. […] paraît à tout le moins nécessaire s’agissant des produits les plus toxiques, les habitations privées à proximité de zones agricoles pouvant abriter des personnes vulnérables (nourrissons, femmes enceintes…). »
L’instauration d’une zone tampon traitée uniquement avec des produits à faible risque tels que mentionnés dans l’arrêté ministériel du 10 mars 2016 et qui ne peuvent pas être des CMR 1a 1b et 2 ou des PE, autour des lieux de vie, des ERP et des lieux accueillant des personnes vulnérables tels que mentionnés dans l’article L. 253-7-1 du code rural et de la pêche maritime permettrait donc d’assurer une baisse significative de l’exposition des enfants, des adultes et des fœtus aux pesticides.

Le I du premier article de cette proposition de loi permet de s’assurer qu’aucun CMR ou PE ne pourra être utilisé dans les lieux mentionnés au premier et au second alinéa de l’article L. 253-1-7 du code rural. Il est important d’apporter cette précision, car des produits classés uniquement avec les phrases de risques autorisées par l’arrêté ministériel du 10 mars 2016 ont été reconnus comme étant des PE dans la liste publiée par le ministère de la transition écologique et solidaire et le ministère de l’agriculture le 13 juillet 2017.

Le II de l’article définit la zone tampon où ces pesticides ne peuvent être utilisés. Il s’agit d’une zone de 200 mètres autour des lieux accueillant des publics vulnérables, ainsi qu’autour des lieux d’habitations et des établissements accueillant du public.

La distance de 200 mètres est celle qui est communément soutenue par le monde associatif tel que : le Collectif info Médoc pesticides, Alerte aux toxiques, Alerte pesticides Haute Gironde, Alerte des médecins sur les pesticides, Collectif alerte pesticides, Générations futures Bordeaux. Aucun dispositif de dérogation tel que des filets anti-dérives ou des horaires adaptés n’est prévu à cette interdiction car il apparaît que ces dispositifs ne permettent pas de protéger suffisamment les espaces d’une pollution par ces pesticides. Cette proposition de zone tampon permettrait de parvenir aux réductions de pesticides prévues par le plan Ecophyto 2.

PROPOSITION DE LOI
Article 1er
I. – Le 2° de l’article L. 253-7-1 du code rural et de la pêche maritime est ainsi rédigé :
« 2° L’utilisation des produits mentionnés au même article L. 253-1 est interdite dans une zone tampon de 200 mètres autour des lieux mentionnés au 1° du présent article ainsi que dans une zone tampon de 200 mètres autour des centres hospitaliers et des hôpitaux, des établissements de santé privés, des maisons de santé, des maisons de réadaptation fonctionnelle, des établissements qui accueillent ou hébergent des personnes âgées et des établissements qui accueillent des personnes adultes handicapées ou des personnes atteintes de pathologie grave, ainsi que des lieux d’habitations à partir des limites de la propriété et des établissements recevant du public, quelle que soit leur catégorie. »