Agriculture durable : commémoration du rapport POLY

Article du CEDAPA ( Centre d’étude pour un développement agricole plus autonome)

14 FEVRIER 2018 au Ministère de l’Agriculture
A l’initiative de l’Académie de l’Agriculture et de l’INRA

A la lecture du rapport POLY, je fus agréablement surpris, puisque ce rapport préconisait ce que je pratiquais depuis 20 ans sur ma ferme de Saint-Mayeux d’abord, puis de Saint-Bihy.

Dans cette dernière, sur 38,5 ha j’avais 30 hectares de prairies de trèfle blanc qui ne recevaient aucun engrais azoté, le reste étant en betteraves, blé et féverole ; seuls les 2 hectares de blé recevaient 200 unités d’azote. Je n’achetais aucun aliment et les 40 vaches allaitantes et leur suite étaient nourries intégralement à l’herbe pendant 9 mois. En hiver la ration à base de foin était complétée par des betteraves, du blé et de la féverole produits sur la ferme.

Les seuls achats à l’extérieur, en plus des 200 unités d’azote, concernaient le calcium, la potasse et le phosphore, pour remonter la fertilité de base du sol, puis la maintenir.

Depuis la publication de mon livre « La prairie temporaire à base de trèfle blanc » j’étais la ferme la plus contrôlée du département. Tous les mois, un ingénieur de la Chambre d’Agriculture venait peser les animaux et les récoltes, analyser celles-ci et suivre les temps de pâturage. Il en résultait un chargement de 2.5 UGB/hectare, un poids vif maximum produit à l’hectare. Les animaux étaient pesés à la mise à l’herbe et à la sortie ; les animaux étaient en parfaite santé. Il en résultait un revenu double des fermes de référence du département dont je faisais partie.

La source de la ferme qui alimente le syndicat d’eau du GUERCY était à 3 milligrammes de nitrate par litre d’eau.

L’association que je crée en 1981 avec 9 agriculteurs faisant partie des 100 fermes suivies par l’ITEB sur la prairie à base de trèfle blanc s’appuie sur mon expérience et le rapport POLY. En référence à ce rapport, nous la nommons le CEDAPA (Centre d’Etude pour un Développement Agricole Plus Autonome).

D’emblée le Centre d’Etudes met au point des projets d’installation sur de petites exploitations et de petits élevages rentables grâce à leur autonomie et à un système fourrager basé sur la prairie trèfle blanc.

Ces projets rencontrent un grand intérêt auprès du public. Invités par les écoles d’agriculture, nous proposons aux jeunes nos projets d’installation dans différentes productions. Certains viennent en stage dans nos exploitations et s’installent en s’en inspirant. Des groupes locaux s’organisent.
Le CEDAPA persuade le Crédit agricole et le Crédit Mutuel de leur accorder des financements à l’installation.

Le cahier des charges du Cedapa est reconnu par Bruxelles dans le cadre des mesures agri-environnementales. En 2017 des centaines d’agriculteurs y ont souscrit.

Le Cedapa et son réseau sont considérés comme le moteur de l’agriculture durable.

Le nombre d’adhérents du CEDAPA a augmenté au fil des ans et débouche sur les départements voisins pour constituer le Réseau Agriculture Durable (RAD) avec aujourd’hui environ 3000 adhérents.

De 1993 à 1998, l’INRA, sous la houlette de Messieurs BERANGER et JOURNET, met en route le programme Terre et Eau en collaboration avec le Conseil Général des Côtes d’Armor et le CEDAPA pour suivre durant 5 ans 27 exploitations adhérentes au Cedapa et respectant le cahier des charges.

Le rapport final « A la recherche de l’agriculture durable » publié par l’INRA en 1999 donne un revenu augmenté d’un tiers par rapport aux exploitations conventionnelles avec un travail plus agréable. Dans le suivi du bassin versant de Trémargat, où tous les agriculteurs adhéraient au Cedapa, les analyses montrent l’absence de pesticides (indétectables) et un taux de nitrate très faible sur la rivière le Stang Cau.

Le département 22 s’appuie sur l’expérience du Cedapa pour orienter ses programmes d’actions sur les bassins versants Algues Vertes et cela se poursuit aujourd’hui sur l’ensemble de la Bretagne dans le cadre du 5ème programme d’actions directive nitrate.

Alors pourquoi, hormis notre expérience, le rapport POLY a-t-il eu si peu d’échos ?

C’est pourtant à l’époque de sa publication qu’a eu lieu l’explosion des élevages hors-sol et des surfaces en maïs-fourrage en contradiction avec le rapport publié par l’INRA. Pourquoi, par exemple, les écoles d’agriculture, grandes ou petites, publiques ou privées, au lieu de s’en imprégner ont au contraire formé des élèves à l’élevage industriel et à l’alimentation des bovins au maïs-fourrage ?

Pourquoi l’INRA n’a plus suivi son Président et au contraire a préconisé l’agriculture productiviste qui débouche aujourd’hui sur une crise économique, écologique et sociale.

Quant aux industriels et coopératives, bien sûr elles ne pouvaient être que contre le rapport Poly, leurs résultats économiques étant liés aux volumes d’achat et de vente des produits azotés, d’aliments, de produits vétérinaires, de pesticides, de matériaux…. (les salaires des directeurs étant indexés sur le chiffre d’affaires de la coopérative).

J’étais à l’époque président d’une coopérative, administrateur à la Caisse Régionale du Crédit Agricole et membre du bureau du centre de gestion : j’étais le seul à applaudir le rapport Poly. Les autres en étaient outrés, « on ne comprend plus rien » disait le directeur du centre de gestion. Plus étonnant le Conseil National Agricole du Parti Socialiste, dont j’étais membre, n’a jamais dans son travail fait référence au rapport Poly, base d’une orientation nouvelle de l’agriculture.

Je souhaiterais aujourd’hui que cette commémoration soit l’occasion de revenir sur ce rapport et de le faire connaître et ainsi s’appuyer dessus pour un développement agricole autonome, économe, à forte valeur ajoutée, permettant de réduire le chômage et de redonner vie aux campagnes françaises.

ANDRE POCHON, fondateur du CEDAPA

Nb : liste des Etudes Cedapa
« Comment s’installer et vivre avec 20 vaches laitières»,

« S’installer avec 24 truies sur 24 hectares »,
« vivre du mouton »,
« s’installer en vaches allaitantes c’est possible »,
« vivre avec un quota de 100 000 litres sur 24 ha»,
« fourrages, grains et couts de production ».
Toutes les études font apparaître le coût de l’investissement, le financement, les techniques de production, le revenu disponible et la qualité de vie.
Toutes ces études ont été transmises à François COLSON, conseiller technique auprès de Mme CRESSON, Ministre de l’Agriculture ; François COLSON est venu avec grand intérêt visiter les exploitations du Cedapa